12/04/2005

Café Littéraire, Institut du Monde Arabe; Paris (au lieu du Café de Flore)

A noter le respet de Marivaux, dans le Spectateur Francais de 1729 sur les jeunes. J'ai tappé ca très vite à la machine. L'honorable lecteur trouvera des fautes d'orthographe. Je l'ai copie du site à l'Universite de Rutgers, "The Spectator Project:":

"Je sortais,il y a quelques jours, de la Comédie ou j'avais été voir Romulus, qui m'avait charmé,. . .
C'etait là les pensées qui m'occupaient, lorsqu'en descendant l'escalier de la Comédie, je me sentis arreté par une dame plus agée que moi, et avec qui je suis sur le pied d'un amitié de trente ans. "Vieux reveur, me dit-elle, en me tirant par la manche, voulez-vois venir souper chez moi?. . .

Les femmes n'etaientpas les seules qui me divertissaient, et je trouvais nos jeunes gens tout aussi divertissants qu'elles. Dans le nombre de ceux-ci, j'en voyais qui semblaient se remuer, étonnés de la noblesse de leur figure, et qui certainement comptaient sur un égal étonnement dans les autres. Ils étaient vains, mais très sérieusement vains, et comme chargés de l'obligation de l'être: je les interprétais. Quand on est fait comme je suis, pensait apparemment chacun d'eux, on laisse agir à l'aise le sentiment qu'on a de ses avantages, en marchant superbement: Moi, je vais mon pas; ma figure est un fardeau de grâces nobles, imposantes, et qui demande tout le recueillement de celui qui la porte. Qu'en dites-vous, hommes étonnés? Qui de vous songe à faire quelque chicane à ce maintien? Qui de vous n'avouera pas qu'il me sied bien de me rendre justice? N'est-il pas vrai que je vous surprends, et que la critique est muette à mon aspect? Gare! Reculez-vous! Vous empêchez le jeu de mes mouvements; vous ne voyez mon geste qu'à demi. Place au phénomène de la nature! Humiliez-vous, figures médiocres ou belles; car c'est tout un, et vous êtes toutes au même rang auprès de la mienne.

Ce petit discours que je fais tenir à nos jeunes gens, on le regardera comme une plaisanterie de ma part. Je ne dis pas qu'ils pensent très distinctement ce que je leur fais penser; mais tout cela est dans leur tête, et je ne fais que débrouiller le chaos de leurs idées: j'expose en détail ce qu'ils sentent en gros; et voilà, pour ainsi dire, la monnaie de la pièce.

Après tout cela, je vais faire un aveu bien singulier; c'est que moi, qui démêlais leurs idées, qui développais leur orgueil, peu s'en fallait que je ne disse: Ils ont raison. A la lettre, la hardiesse de leur vanité, soutenue d'une belle figure, m'en imposait; je m'amusais à les trouver bien faits; et voilà comme nous sommes tous; de grandes qualités dans un homme, un grand rang, un grand pouvoir, sont toujours auprès de nous le passeport de ses défauts; et dans le fond, c'est fort bien fait à nous d'être comme cela; c'est le lien de la société des hommes que cet éblouissement de notre raison, que cette indulgence favorable aux faiblesses de ceux qui nous priment, et de qui nous sommes les inférieurs de façon ou d'autre.

Je continuais mes remarques sur cette foule de monde qui nous arrêtait à la porte, lorsqu'enfin nous eûmes le passage libre. J'allai donc souper chez la personne avec qui j'étais.
http://visualiseur.bnf.fr/Visualiseur?Destination=Gallica&O=NUMM-101462
Pierre de Marivaux, Le Spectateur francais, Troisieme feuille

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