I cite again Kamel Daoud's letter withdrawing himself from journalistic comments after the harsh reply of 12-or-so sociologues at French universities who accused him of "islamophobia" after his letter in Le Monde regarding the Saint Sylvestre-New Year's harrassment of women in Cologne.
Perhaps I was thinking, while I look for jobs in Germany and visiting this Café in Wiesbaden, how ironic it is that Adam Shatz writes from New York, of Woody Allen's "Cafe Society" fame.
Perhaps I was thinking, while I look for jobs in Germany and visiting this Café in Wiesbaden, how ironic it is that Adam Shatz writes from New York, of Woody Allen's "Cafe Society" fame.
Le sort de la femme est lié à mon avenir,
à l'avenir des miens »
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PAR KAMEL
DAOUD
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c
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her ami, j'ai lu avec attention ta lettre, bien sûr. Elle m'a touché
par sa générosité et sa lucidité.
Etrangement, ton propos est venu conforter la décision que j'ai prise
au cours des derniers jours. J'y ai surtout retenu l'expression de ton amitié
tendre et complice malgré l'inquiétude. je voudrais cependant répondre.
rai longtemps écrit avec le même esprit qui ne s'encombre pas des avis
d'autrui quand ils sont dominants. Cela m'a donné une liberté de ton, un
style peut-être mais aussi une liberté qui était insolence et
irresponsabilité ou audace. Ou même naïveté. Certains aimaient cela, d'autres
ne pouvaient l'accepter. J'ai taquiné les radicalités et essayé de défendre
ma liberté face aux clichés dont j'avais horreur.
J'ai essayé aussi de penser. Par l'article de presse ou la
littérature. Pas seulement parce que je voulais réussir mais aussi parce que
j'avais la terreur de vivre une vie sans sens. Le journalisme, en Algérie,
durant les années dures m'avait assuré de vivre la métaphore de l'écrit,le
mythe de l'expérience,
rai donc écrit souvent, trop, avec fureur, colère et amusement. J'ai
dit ce que je pensais du sort de la femme dans mon pays, de la liberté, de la
religion et d'autres grandes questions qui peuvent nous mener à la prise de
consciente, à l'abdication ou à l'intégrisme, selon nos buts dans la vie.
Sauf qu'aujourd'hui, avec le succès médiatique, j'ai fini par comprendre deux
ou trois choses.
D'abord que nous vivons désormais une époque de sommations. Si on
n'est pas d'un côté, on est de l'autre; le texte sur «Cologne» j'en avais écrit
une partie, celle sur la femme, il y a des années. A l'époque, cela n'a fait
réagir personne ou si peu. Aujourd'hui, les temps ont changé: des crispations
poussent à interpréter et l'interprétation pousse au procès. J'avais écrit
cet article et celui du New York Times début janvier;
leur succession dans le temps est donc un accident et pas un acharnement de
ma part. J'ai écrit poussé par la honte et la colère contre les miens et
parce que je vis dans ce pays, dans cette terre. J'y ai dit ma pensée et mon
analyse sur un aspect que l'on ne peut cacher sous prétexte de «charité
culturelle».
je suis écrivain et je n'écris pas des thèses d'universitaire. C'est
une émotion aussi. Que des universitaires pétitionnent contre moi
aujourd'hui, à cause de ce texte, je trouve cela immoral: parce qu'ils ne
vivent pas ma chair ni ma terre, et que je trouve illégitime sinon scandaleux
que certains me prononcent coupable d'islamophobie depuis des capitales
occidentales et leurs terrasses de café où règnent le confort et la
sécurité. Le tout servi en forme de procès stalinien et avec le préjugé du
spécialiste: je sermonne un indigène parce que je parle mieux que lui des
intérêts des autres indigènes et postdécolonisés. Cela m'est intolérable
comme posture. je pense que cela reste immoral de m'offrir en pâture à la
haine locale sous le
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verdict d'islamophobie qui sert aujourd'hui aussi
d'inquisition. je pense que c'est honteux de m'accuser de cela en restant
bien loin de mon quotidien et celui des miens. a
L'islam est une belle religion selon l'homme qui la
porte, mais j'aime que les religions soient un chemin vers un dieu et qu'y
résonnent les pas d'un homme qui marche. Ces pétitionnaires embusqués ne
mesurent pas la conséquence de leurs actes sur la vie d'autrui.
Cher ami, j'ai compris aussi que l'époque est dure.
Comme autrefois l'écrivain venu du froid, aujourd'hui l'écrivain venu du
monde dit «arabe» est piégé, sommé, poussé dans le dos et repoussé. La
surinterprétation le guette et les médias le harcèlent pour conforter qui
une vision, qui un rejet et un déni. Le sort de la femme est lié à mon avenir, à l'avenir des miens. Le désir est malade dans nos terres et le corps
est encerclé. Cela, on ne peut pas le nier et je dois le dire et le dénoncer.
Mais je me retrouve soudainement responsable de ce qui va être lu selon les
terres et les airs. Dénoncer la théocratie ambiante chez nous devient un
argument d'islamophobe ailleurs.
Est-ce ma faute? En partie. Mais c'est aussi la faute
de notre époque. C'est ce qui s'est passé pour la tribune sur « Cologne». je l'assume mais je me trouve désolé pour
ce à quoi elle peut servir comme déni d'humanité de
l'Autre. L'écrivain venu des terres d'Allah se trouve aujourd'hui au centre
de sollicitations médiatiques intolérables. je n'y peux rien mais je peux
m'en soustraire: par la prudence, comme je l'ai cru, mais aussi par le
silence comme je le choisis désormais.
je vais donc m'occuper de littérature et, en cela, tu
as raison. J'arrête le journalisme sous peu. je vais aller écouter des
arbres ou des cœurs. Lire. Restaurer en moi la confiance et la quiétude.
Explorer. Non pas abdiquer, mais aller plus loin que le jeu de vagues et des
médias. je me résous à creuser et non déclamer.
J'ai pour ma terre l'affection du désenchanté. Un
amour secret et fort. Une passion. J'aime les miens .et les cieux que
j'essaye de déchiffrer dans les livres et avec l'œil la nuit. je rêve de
puissance, de souveraineté pour les miens, de conscience et de partage. Cela
me déçoit de ne pas vivre ce rêve. Cela me met en colère ou me pousse au
châtiment amoureux. je ne hais pas les miens, ni l'homme en l'autre. je
n'insulte pas les raisons d'autrui. Mais j'exerce mon droit d'être libre. Ce
droit a été mal interprété, sollicité, malmené ou jugé. Aujourd'hui, je veux
aussi la liberté de faire autre chose. Mille excuses si j'ai déçu, un moment,
ton amitié cher Adam.
Et si je rends publique cette lettre aujourd'hui,
c'est parce qu'elle s'adresse aux gens affectueux de bonne foi comme toi.Et
surtout à toi. •
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un écrivain /1 est lauréat du prix
du premier roman pour« Meursoui',
(OI")trE'-f'11n1J!PtP " (Actes Sud, 2014)
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