3/23/2017

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Editorial de Riss dans Charlie Hebdo du 15 mars,  

15 mars2017CHARLIE HEBDO N° 1286 3

L'ÉDITO de RISS

 PARIS-ALGER, ALLER-RETOUR


En Algérie, un jeune écrivain vient d'être accusé de blasphème parce qu'un de ses romans a eu le grave défaut de parler de Dieu en termes ironiques. Il risque jusqu'à cinq ans de prison pour avoir offensé le Pro-

 

phète et dénigré «le dogme ou les préceptes de l'islam». On peut se demander en quoi cette poursuite judiciaire concerne la France. Les citoyens français ne sont pas soumis à de telles lois et, ici, tout le monde peut écrire ce qu'il veut, comme il veut et sans crainte. En principe.

Pourtant, il s'est installé dans la société française une curieuse ambiance autour des questions de tolérance et de religion. Ce qui semble exotique en Algérie est peut-être annonciateur de ce qui arrivera demain en France. Dans les années 1990, quand l'Algérie était ensanglantée par les islamistes, on n'imaginait pas que la France serait frappée à son tour par cette violence. On a vu ce qu'il

advint par la suite...                                                                    .

La mésaventure de ce jeune écrivain n'est pas une péripétie qu'on doit minimiser sous prétexte qu'elle a lieu en Algérie. Que se passerait-il en France si un livre décrivant Dieu sous forme d'un SDF suscitait des vagues d'indignation comparables? Aujourd'hui, les moindres protestations ou menaces proférées sur les réseaux sociaux suffiraient pour faire taire l'insolent qui publierait de telles ironies. Depuis 2015,l'intolérance à l'égard du blasphème n'a fait que grandir. En France, malgré la loi qui en protège l'exercice, les esprits qui rejettent le blasphème sont plus nombreux qu'on le croit et ne se limitent plus à la sphère marginale de quelques religieux illuminés. Le blasphème est bien installé dans les têtes, et la loi qui l'autorise semble de plus en plus en décalage avec cette triste réalité.

Il y a trois semaines, Charlie Hebdointerpellait les candidats à la présidentielle pour obtenir d'eux rengagement que la loi de1905 ne serait pas amendée s'ils étaient élus à l'Élysée. Pour certains commenta

teurs, cette initiative n'avait pas d'objet car, selon eux,

. personne ne revendique sérieusement de la remettre -en cause. Certes, mais sur le terrain, la réalité défie souvent les règles édictées par cette loi. Et on aimerait constater que rengagement des hommes politiques

pour la défendre est .bien réel, et pas seulement une promesse de plus. Car on ne défend pas une loi en disant qu'on n'y touchera pas. On la défend en défendant ce qu'elle est censée défendre.

Le destin des Algériens s'était invité dans la campagne électorale quand Emmanuel Macron avait condamné la colonisation que .la France leur avait fait subir pendant plus d'un siècle. Mais pour défendre un jeune écrivain algérien menacé d'être condamné comme blasphémateur, il n'y a plus grand monde qui se bouscule. Il est des malheurs qu'il est glorieux de dénoncer, et d'autres, beaucoup plus encombrants, qu'on préfère mettre sous le tapis. Car en politique, la religion est devenue un sujet hautement explosif Lors d'une réunion pour préparer une campagne de six mois contre le sexisme organisée par le ministère des Droits des femmes, une personnalité issue de la société civile proposa que parmi les thèmes soit abordé celui de «la religion et les femmes », On a répondu que la religion serait traitée plus tard, mais pas dans le cadre de ce plan «contre le sexisme». Incroyable réponse pour une action ministérielle visant à dénoncer les oppressions subies par les femmes. [anecdote n'est pas anodine et témoigne de l'hypersensibilité qui règne dans la société française et, plus encore, dans le monde politique dès qu'on prononce le mot «religion».

C'est pour cela que Charlie Hebdo a sollicité les candidats à la présidence sur la loi de 1905. À ce jour, plusieurs d'entre eux ont répondu. Mais curieusement, certains, et pas des moindres, n'ont pas daigné le faire. Laissons-leur le temps de rédiger leur réponse avant de les juger.

Même si une élection présidentielle doit débattre de tous les problèmes de la société française, comme l'écologie, l'économie, l'éducation ou la culture, la réflexion sur la place de la religion dans notre société ne peut plus être évitée. Il est vrai que cette question est un peu surréaliste. Qui aurait imaginé, il y a trente ans, qu'elle mériterait un jour d'être posée dans une élection présidentielle? En 2017, elle n'est malheureusement plus superflue. La poser n'a pas pour but de rassurer uniquement les citoyens français, mais aussi tous ceux qui dans le monde pensent que la France incarne des valeurs fondamentales comme la liberté de conscience et le refus de la soumission au sacré. C'est donc aussi pour ce jeune écrivain algérien et ses semblables à travers le monde que les candidats de cette élection présidentielle se doivent de donner à l'interpellation de Charlie Hebdosur la loi de 1905 une réponse claire et ferme. !Il

 



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